Bireli Lagrène et son album Gipsy Trio
Biréli Lagrène est un « phénomène de la guitare » (dixit John Mc Laughlin). Révélé au début des années 80, l’enfant prodige a su passer avec brio le cap de la maturité, s’affirmant de jour en jour comme un musicien de plus en plus incontournable dans le monde de la guitare et dans celui du jazz, où il fait désormais figure de référence.
L’histoire commence en Alsace, au sein de la communauté manouche, où Biréli naît en 1966, d’une famille de musiciens. Initié très tôt par son père, puis par son frère, le tout jeune Biréli surprend par sa précocité. Plus d’un, et non des moindres, se retrouveront sous le charme. Ainsi de Matelot Ferré, compagnon de Django Reinhardt, que l’interprétation du jeune prodige impressionnera.
Aujourd’hui il nous propose son album « Gipsy Trio »
Au commencement, il y a Django. Dans la langue des Manouches, cela signifie » je réveille « . De tous ses disciples, Biréli Lagrene est celui qui, avec le plus d’audace, d’autorité et d’indiscipline, réveille sa musique d’une longue tradition mimétique. Biréli n’appartient évidemment pas à la cohorte des intégristes obsessionnels de la musique inventée par le » Divin manouche, tous ces épigones trop zélés chez qui le culte de la répétition se confond avec la répétition du culte. Sa réponse est simple et directe : » Django m’a aidé à aller voir ce qui se passe ailleurs. »
Biréli Lagrene, grand taiseux dans la vie ordinaire, n’est jamais aussi volubile qu’avec une guitare entre les mains. Sa technique phénoménale et sa vélocité ailée ne sont pour lui que de simples accessoires. Elles participent uniquement de la grammaire nécessaire à la libre expression de la musique qui bouillonne en lui. La virtuosité, cette plaie de la musique quand elle n’est qu’ostentatoire et démonstrative, rime souvent avec vanité. Bien loin d’être l’un de ces matamores de la guitare mitraillette, Biréli s’affirme d’abord comme un jazzman d’instinct et d’instant, un improvisateur d’une exceptionnelle et permanente créativité. Pourtant, il ne joue pas de ce qu’on nomme pompeusement de la » musique créative « . Lui pourtant, sans préméditation, sans fioritures ni ratures, il est perpétuellement créatif. C’est parce qu’il ne joue que pour la musique, pour qu’elle advienne et jaillisse naturellement sous ses doigts, dans le feu du jeu, dans la surprise de l’échange. Conséquences : aucune note de trop pour déséquilibrer l’élégance et troubler la fluidité de ses longues phrases sinueuses. Aucun effet de manche pour épater la galerie. Aucune roublardise, rien que de la gourmandise. Fouetté par une mise en place impeccable, zébré de fusées imprévisibles, griffé de fulgurances, son jeu est sans cesse soulevé par la vague d’un chant intérieur, une gaieté lyrique intense, toujours teintée, comme souvent chez les Manouches, d’un doux nuage de nostalgie.
Avec ce nouveau disque, dans la formule spartiate du trio de cordes (14 au total !), Biréli retrouve ave bonheur ses deux fidèles complices, le toujours parfait Diego Imbert à la contrebasse et Hono Winterstein qui scande à la guitare d’accompagnement les quatre temps et fait derrière lui admirablement la pompe, cet immuable et souple balancement, griffe du swing gitan. à€ la tête d’un attelage aussi sûr que précis, Biréli peut en toute liberté tutoyer les sommets de son art. Le répertoire, intelligemment enchaîné, est composé de thèmes peu visités de Django, de » Broadway Melodies « , de standards que l’on croyait éculés, d’une chanson française oubliée, d’une valse ardente signée de sa plume et d’un hommage amical à Francis Dreyfus pour célébrer quinze années de compagnonnage phonographique.
à€ partir d’un tel tremplin, le flamboyant guitariste peut prendre magnifiquement son envol. Et nous gratifier de l’un de ses meilleurs albums.